Chimie verte : l’avenir de la cosmétique

 

chimie verte 300Depuis les débuts de l’humanité, les activités humaines se sont développées à partir de matières premières renouvelables : bois, cuir, huiles, fibres végétales…, pour se nourrir, se chauffer, s’habiller, se soigner, ou encore protéger sa peau. L’avènement de l’ère industrielle a tout modifié : nous sommes depuis dans le « tout fossile », où le développement humain et industriel s’est fait à partir de matières premières non renouvelables (pétrole, charbon…).

La chimie fait maintenant partie de notre quotidien : automobile, textiles, plastiques, médicaments, peintures, cosmétiques…, et elle nous rend de nombreux services. Cependant, nous prenons aujourd’hui conscience de l’impact de l’expansion non contrôlée de l’industrie chimique sur notre environnement. Pollution, épuisement des ressources : des solutions alternatives, à base de matières premières renouvelables, doivent être trouvées. D’où la naissance, en parallèle du développement durable, de la chimie verte. Vous en avez sûrement entendu parler, mais savez-vous ce que c’est ?

 

Naissance de la chimie verte

L’industrie chimique s’est considérablement développée au vingtième siècle, et les guerres mondiales n’y sont pas pour rien : les engrais ont fait leur apparition dans l’agriculture dans les années 20, débouché alternatif aux nitrates, explosifs utilisés lors de la grande Guerre ; et le nucléaire s’est développé après les recherches sur la bombe atomique.

Même si nous ne pouvons pas nous en passer, la chimie a une image de plus en plus négative auprès du public, et ce à cause de catastrophes aux conséquences humaines ou écologiques lourdes. En effet, qui n’a pas entendu parler de la thalidomide, anti-nauséeux s’avérant être à l’origine de malformations fœtales graves, ou des accidents de Seveso (Italie, 1976), de Bhopal (Inde, 1984), ou d’AZF (France, 2001) ?

Cependant, ces catastrophes restent finalement assez rares. En revanche, tout au long de sa phase d’expansion, l’industrie chimique a libéré de manière anarchique et incontrôlée des substances chimiques dans les airs, les eaux et les sols. A l’époque, la dilution était considérée comme la meilleure solution aux problèmes de pollution !

La prise de conscience relativement récente de l’étendue et de l’effet de cette pollution a imposé la nécessité de changer le mode de développement de l’industrie chimique. Tout a commencé en 1972 à Stockholm, au AURORE 2sommet des Nations Unies sur l’Homme et l’Environnement. Toutefois, la dangerosité pour la planète et notre avenir a été mise en lumière en 1987 lors de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement, ou « Commission Bruntland », qui publie son rapport « Our Common Future ». Elle définit le développement durable : c’est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.

Le concept de chimie verte, quant à lui, est né en 1990, suite à l’adoption par les Etats-Unis de la loi de prévention de la pollution, le « Pollution Prevention Act ». Elle marque un tournant dans l’industrie : plutôt que de traiter les déchets produits, les entreprises doivent concevoir des produits et procédés permettant de réduire ou d’éliminer à la source l’utilisation ou la synthèse de matières premières dangereuses.

 

Les 12 principes

Ce concept est rapidement de venu populaire et largement adopté grâce aux douze principes définis par les chimistes américains Anastas et Warner :

  • Prévention : produire moins de déchets plutôt que d’investir dans l’assainissement ou l’élimination de ceux-ci.
  • Economie d’atomes : concevoir les synthèses de manière à maximiser l’incorporation des matériaux utilisés au cours du procédé dans le produit final.
  • Synthèses chimiques moins nocives : concevoir, dans la mesure du possible, des méthodes de synthèse utilisant et créant  des substances le plus faiblement toxiques pour les humains et sans conséquences pour l’environnement.
  • Conception de produits chimiques plus sûrs : concevoir les produits de manière à répondre efficacement à leur fonction primaire tout en minimisant leur toxicité.
  • Réduction des solvants et auxiliaires : supprimer autant que possible l’utilisation de substances auxiliaires (solvants, agents de séparation…) et utiliser des substances inoffensives.
  • Amélioration du rendement énergétique : les procédés chimiques ont des besoins énergétiques qu’il faut minimiser. Il faut mettre au point des méthodes de synthèse à température et pression ambiantes.
  • Utilisation de matières premières renouvelables : lorsque la technologie et les moyens financiers le permettent, les matières premières utilisées doivent être renouvelables et non fossiles
  • Réduction de la quantité de produits dérivés : réduire ou éliminer tant que possible toute déviation du schéma initial de synthèse (utilisation d’agents bloquants, protection/déprotection, modification temporaire du procédé physique/chimique).
  • Catalyse : du fait de leur efficacité supérieure, favoriser l’utilisation de réactifs catalytiques les plus sélectifs possibles.
  • Conception de substances non-persistantes : concevoir les produits chimiques en intégrant leur dissociation en produits de dégradation non nocifs à la fin de leur durée d’utilisation, afin d’éviter leur persistance dans l’environnement.
  • Analyse en temps réel de la lutte contre la pollution : élaborer des méthodologies analytiques pour assurer la surveillance et le contrôle en temps réel et en cours de production, avant apparition de substances dangereuses.
  • Chimie essentiellement sécuritaire afin de prévenir les accidents : choisir les substances et leur forme utilisées dans un procédé chimique de façon à minimiser les risques d’accidents chimiques, dont les rejets, les explosions et les incendies.

 

aurore 4Chimie verte : pour quelle industrie ?

Pour le moment, il n’est pas envisageable d’utiliser exclusivement la chimie verte dans les productions de filières énergétiques. En effet, on estime que le remplacement  de la consommation de diesel en France par les biocarburants nécessiterait de consacrer la totalité du territoire à des « cultures de carburants » !

Par contre, son développement dans l’industrie de la chimie fine est plus réaliste. Pour ces débouchés, l’Académie des Sciences estime que l’utilisation des jachères françaises suffirait à fournir toutes les filières non énergétiques en ressources agricoles. On peut se servir des matières premières végétales (amidon, glucose, glycérol, paille, résidus de bois, oléagineux…) pour produire des cosmétiques (ce qui est déjà le cas des tensioactifs utilisés en cosmétique bio), des détergents, du textile, ou encore des emballages.

Cependant, même si les recherches affichent des résultats positifs, l’efficacité industrielle, économique et environnementale de la chimie végétale reste à démontrer. La production et la commercialisation de procédés verts incluent les coûts du démantèlement de l’ancien procédé et de mise en place du nouveau procédé. C’est pourquoi un procédé traditionnel polluant ne sera remplacé à grande échelle que si son retour sur investissement est suffisamment rapide pour attirer dirigeants et investisseurs.

Un bel avenir, mais soumis à des contraintes économiques

La chimie verte représente un véritable avenir pour notre développement industriel. Elle permettra de substituer les dérivés du pétrole dans de nombreuses applications, et de réserver les quantités restantes aux industries pour lesquelles aucun remplacement n’est actuellement possible.

Il faut par ailleurs être attentif à un développement contrôlé de la chimie verte. En effet, les surfaces agricoles ont et doivent avant tout garder pour objectif premier de nourrir les populations. Avec les prévisions à 9 milliards d’habitants en 2050 et l’augmentation de la fréquence des phénomènes climatiques extrêmes, il est essentiel d’éviter la compétition entre l’alimentaire et les autres industries à plus forte valeur ajoutée. Cela est malheureusement le cas avec l’engouement pour les biocarburants, qui ne s’avèrent pas si écologiques que ça !

On peut cependant regretter que, malgré l’urgence écologique, son développement reste étroitement lié à des données économiques. Tant que les produits issus de la chimie verte seront plus chers que ceux issus de la pétrochimie, leur développement sera limité. Et ce n’est pas la crise économique, le Grenelle de l’environnement (qui a occulté des pans entiers de l’économie verte) ou l’immobilisme des plus grandes puissances économiques mondiales (confirmé à Copenhague) qui vont accélérer les choses.

 

Sans chimie verte, nous serions tous promis à une destruction certaine de la planète. Seulement, entre prendre conscience et agir, il y a encore une marge. Si nous étions un peu moins égoïstes et un peu plus altruistes, nous serions déjà tous en train de préparer le terrain pour nos enfants. Car ce sont eux qui paieront le prix des erreurs de nos parents et de notre lenteur à réagir, alors que nous avons déjà toutes les solutions à portée de main pour le faire…

 

Liens : Certifications: vers une harmonisation européenne?

Sources :

One Commentaire

  1. lunazen
    9 février 2010 at 12 12 09 02092 ·

    En effet, la chimie verte a un coût, et les grandes industries, à moins d’avoir un retour sur investissement rapide, ne sont pas prêtes à s’investir à 100%. Des solutions doivent être trouvées sans nuire aux générations futures et surtout pour enrayer cette action néfaste de la chimie conventionnelle sur notre environnement.

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