Certifications: vers une harmonisation européenne?

A l’heure où la cosmétique bio est en pleine croissance, les consommateurs sont en manque de repères pour choisir et bien choisir. La profusion de labels sur les emballages, rattachant le produit à des critères de qualité sur sa composition, sa fabrication, son impact sur l’homme, l’environnement, apporte plus de questions que de réponses.

En l’absence de définition et de réglementation européenne sur la cosmétique naturelle et biologique, fabricants et organismes certificateurs se sont retroussés les manches pour s’entendre et proposer des cahiers des charges harmonisés. Deux noms émergent et vont nous accompagner dans les prochaines années : Cosmos et Natrue.

Bienvenue dans le monde compliqué de la certification…

 

COSMOS – Natrue : Origine

Le rapprochement entre organismes certificateurs et fabricants européens débute au salon Biofach en 2002, suite à la constatation que la profusion de labels « brouille » la communication sur la cosmétique naturelle et biologique. Les premières discussions n’aboutissant pas rapidement sur un cahier des charges commun et l’orientation choisie ne satisfaisant pas tous les participants, certains fabricants (marques Lavera, Logona, Dr Hauschka, Primavera, SantaVerde, Weleda) ont pris leurs distances et ont créé une association, et un cahier des charges : Natrue, paru en août 2008.

En parallèle, les discussions entre les organismes certificateurs et organisations professionnelles françaises (Ecocert et Cosmebio), allemande (BDIH), italienne (ICEA), anglaise (Soil Association) et belge (Bioforum) ont continué, pour aboutir au cahier des charges de COSMOS, publié en mai 2009. Depuis, quelques derniers détails doivent être réglés (dont la création d’une association européenne et l’accréditation des différents organismes certificateurs) pour permettre à ses différents membres de certifier les premiers cosmétiques, selon toute vraisemblance à partir d’avril 2010.

 

Points communs et différences

Afin de vous aider à vous y retrouver, j’ai épluché les cahiers des charges, et j’ai demandé des informations complémentaires auprès de Valérie Lemaire, directrice de la section cosmétique chez Ecocert (pour COSMOS) et de Julie Tyrrell, secrétaire générale de Natrue (pour Natrue).

Les deux cahiers des charges ont pour objectif premier de promouvoir la cosmétique naturelle et biologique, et de simplifier le message auprès des professionnels et du consommateur, mais en prenant des chemins légèrement différents. Le tableau ci-dessous résume leurs principales caractéristiques :

Référentiel COSMOS Natrue
Principe

Définir les critères minimum et principes fondamentaux de la cosmétique naturelle et bio, en s’appuyant sur le concept de « chimie verte »

Application du principe de précaution

Définir un label transparent pour le consommateur, axé sur la qualité et la naturalité des produits, à but non lucratif
Date de création 2010 2008
Cahier des charges unique Non Oui
Niveaux de certification 2, repérés par une mention 3, repérés par des étoiles
Logo En cours de création Oui
Apposition de la mention ou du logo sur les produits Sur chaque produit certifié Sur chaque produit certifié, dès que 75% d’une gamme est certifiée
Pourcentage de bio indiqué sur le produit Oui, pour la mention COSMOS-Organic Non, implicitement indiqué par le nombre d’étoiles
Calcul du pourcentage d’ingrédients bio (cf.exemple ci-dessous) Matières premières issues de l’Agriculture Biologique, transformations physiques et chimiques Matières premières issues de l’Agriculture Biologique, transformations physiques
Agro-ingrédients chimiquement transformés

Non limités, fabriqués en partie à partir d’ingrédients bio

Part bio des matières premières entre dans le calcul final du pourcentage de bio dans le produit

Limités, pour certains devant être fabriqués à partir d’ingrédients bio

Part bio des matières premières n’entre pas dans le calcul final du pourcentage de bio dans le produit

Conservateurs identique nature Oui Oui
Critères dépendants de la catégorie de produits Oui, 2 catégories Oui, 13 catégories
Période de transition 36 mois à compter de la mise en activité, certains ingrédients contenant une part synthétique seront progressivement interdits Non
Critères concernant les moyens de production et procédés Oui Oui
Critères concernant les emballages Oui, mais peu précis Oui, précis
Cahier des charges évolutif Oui Oui
Coût de la certification

Identique au coût actuel de la certification Ecocert (pour la France)

Paiement d’une redevance supplémentaire si utilisation de la mention COSMOS

80 à 150 € par produit reversé à Natrue (frais de fonctionnement de l’association)

Coût du contrôle fonction de l’organisme certificateur choisi (libre concurrence)

En y regardant de plus près, COSMOS semble largement inspiré par les critères d’Ecocert et Natrue par le cahier des charges du BDIH…


Comment calculer le pourcentage d’ingrédients bio ?

Outre les orientations prises par les deux cahiers des charges, la grosse différence entre COSMOS et Natrue réside dans le calcul du pourcentage d’ingrédients bio dans le produit fini :

  • Extraits aqueux de plantes et hydrolats aromatiques : calculé sur la quantité de plante fraîche par rapport au solvant d’extraction selon COSMOS, calculé sur la plante effectivement introduite (fraîche ou sèche) selon Natrue. De plus, la méthode de calcul diffère, et permet de « créer » du bio à partir du naturel selon Cosmos, ce qui n’est pas le cas pour Natrue.
  • Agro-ingrédients chimiquement transformés : même si la définition d’un ingrédient bio stipule que la mention « bio » ne s’applique qu’à un ingrédient ayant subi des transformations physiques, la part d’ingrédients bio utilisés lors d’une transformation chimique est prise en compte dans le pourcentage d’ingrédients bio dans le produit fini selon COSMOS. Pour Natrue, tout ingrédient issu d’une transformation chimique perd tout caractère « bio », même si certains doivent être issus de matières premières bio.

Un exemple sur une crème, afin de vous montrer la différence :

Ingrédient % % Naturel % bio Calcul selon COSMOS Calcul selon Natrue
Eau 64,4

Ingrédients bio (vert + rouge + bleu) : 25,3 %


Pourcentage d’ingrédients bio affiché sur le produit : 25,3 %

 

Pourcentage bio     > 20%

Ingrédients naturels (hors eau) : 24,1 %

 

Ingrédients bio (vert + mauve) : 22,8 %

 

Rapport naturel / bio > 70% et          < 95%

Extrait hydro-alcoolique camomille romaine* 10 6 / 5,5 6 / 5,5
Polyglyceryl-6 oleate 1,5 - -
Coco-glucoside 1,5 - -
Sorbitan olivate 1,5 - -
Glycérine** 2 - 2
Beurre de karité bio 2 2 2
Beurre de cacao bio 2 2 2
Huile de tournesol bio 13 13 13
Huile essentielle de lavande bio 0,3 0,3 0,3
Cire de candelilla 1,3 1,3 -
Potassium sorbate 0,3 - -
Sodium benzoate 0,3 - -
Mention COSMOS-Organic

Natrue 2 étoiles

Cosmétique naturel en partie bio

*Extrait hydroalcoolique : Pour 100 kg d’extrait à 50 % d’alcool bio

  • 10 kg de plante fraîche bio
  • 50 kg d’alcool bio
  • 50 kg d’eau

Calcul COSMOS: % bio = 60 % Calcul Natrue: % bio = 54,5 %

**Glycérine obtenue à 100% à partir d’huiles végétales issues de l’Agriculture Biologique


Contrôle ou certification ?

Selon la définition française, une association professionnelle ne peut certifier elle-même un cahier des charges. Elle doit passer par un organisme extérieur qui effectue le contrôle. Pour être reconnu, le cahier des charges doit être déposé au ministère compétent et l’organisme certificateur accrédité par les pouvoirs publics (ce qui est le cas d’Ecocert et de son cahier des charges). Dans les autres cas, c’est un cahier des charges privé, pour lequel seule une mention peut être appliquée sur les produits (ex : Nature et Progrès).

Natrue est une association regroupant seulement des fabricants, d’initiative privée. Les organismes certificateurs accrédités effectuent donc un contrôle, et fournissent une attestation indiquant que les produits respectent le cahier des charges Natrue. Ce n’est donc littéralement pas une certification, même si le processus reste le même.

Le fait de regrouper associations professionnelles et organismes certificateurs est une force pour COSMOS. Ce groupe regroupe plus de 1000 sociétés certifiées et un potentiel de 11000 produits certifiables. Même si le cahier des charges est actuellement privé, l’objectif affiché est de servir de base à une réglementation européenne sur la cosmétique naturelle et biologique.

Dans les deux cas, il est possible de faire contrôler un cosmétique selon les critères de Natrue ou de COSMOS, sans pour autant afficher le logo ou la mention. En effet, il n’y a aucune obligation à adhérer à l’association Natrue ou à payer une redevance pour l’utilisation de la mention COSMOS. Ce qui est une garantie de neutralité et de partage des responsabilités, affichée par Natrue, mais jusqu’ici régulièrement reprochée à Ecocert, qui est à la fois organisme de certification et label.

 

Un label réellement international…

L’une des critiques régulièrement faite à Natrue est son orientation « pro-allemande ». En effet, l’initiative a été lancée par plusieurs fabricants membres du BDIH, donc allemands (sauf Weleda, entreprise suisse). Tous les produits actuellement certifiés (350 environ à ce jour) sont de marques allemandes et suisses. Cependant, Natrue s’est rapproché de Quality Assurance International (QAI), un organisme certificateur américain, certifiant selon la norme NSF « Made with Organic », pour une possible équivalence entre les deux labels lors de l’exportation Outra-Atlantique de cosmétiques américains ou européens. Et Burd’s Bees, un fabricant américain connu, est membre de Natrue. Ce n’est plus qu’une question de temps pour que des produits américains arrivent sur le marché européen, certifiés Natrue !

Par ailleurs, divers fabricants de cosmétiques non allemands se rapprochent de Natrue car le calcul du pourcentage d’ingrédients bio selon COSMOS ne leur paraît pas très rigoureux, même si aucun de leurs produit sn’est encore certifié.

De son côté, COSMOS se veut résolument international, cependant les critères définis n’aboutissent pas à un cahier des charges unique, mais les cahiers des charges nationaux évoluent de manière à intégrer COSMOS. C’est ainsi que le cahier des charges français conservera des critères plus contraignants sur les matériaux d’emballage autorisés.

 

Plus de transparence pour le consommateur ?

Même si c’est un objectif clairement défini pour Natrue et COSMOS, son effectivité n’est pas encore assurée.

Natrue a le gros avantage de remplacer les logos précédemment affichés sur les cosmétiques bio (en particulier le logo Cosmétiques Naturels Contrôlés du BDIH). Le pourcentage d’ingrédients bio n’est pas affiché sur le produit, mais le nombre d’étoiles permet de l’apprécier d’un coup d’œil. Les premiers produits certifiés Natrue sont d’ailleurs apparus sur le marché français, même s’ils sont encore rares et parfois regardés avec circonspection. Par ailleurs, Natrue met à disposition de tous les consommateurs, professionnels et autorités toutes les informations sur le cahier des charges, les valeurs, les produits certifiés, ou les membres de l’association sur leur site internet.

COSMOS a été critiqué par de nombreux analystes depuis la publication du cahier des charges, qui déplorent le temps très long (7 ans) requis pour son élaboration. Par ailleurs, ils relèvent des incohérences et un calcul très compliqué du pourcentage d’ingrédients bio, différent de celui réalisé pour l’ensemble des autres cahiers des charges. De même, ils déplorent le manque de communication actuel des membres de COSMOS. Enfin, les nombreuses contraintes d’étiquetage (mention COSMOS, organisme certificateur, pourcentage d’ingrédients bio, pas de détails encore sur un logo commun) ne vont peut-être finalement pas simplifier la vie des consommateurs.

 

Ce que l’on peut déplorer, et je l’ai constaté à plusieurs reprises, c’est que les membres des deux groupes, COSMOS et Natrue, aient actuellement quelques difficultés à discuter les uns avec les autres afin d’avancer ensemble. Ils donnent plutôt l’impression d’agir en opposition constante.

Ce qui est certain, c’est qu’il ne faut pas enterrer l’une ou l’autre des initiatives avant qu’elle n’ait eu le temps de faire ses preuves. Natrue a pris de l’avance et affiche des objectifs transparents, mais COSMOS est le fruit d’une consultation réellement internationale et, malgré les critiques, cela vaut le coup de lui donner sa chance. Chacune a ses avantages et ses inconvénients, et le choix vers l’une ou l’autre se fera en fonction des valeurs intrinsèques de l’entreprise, de ses priorités et de ses objectifs affichés aux niveaux national et international.


Et maintenant, ne soyez plus surpris(e) lorsque vous verrez un cosmétique affichant une certification Natrue ou COSMOS. Comme pour les labels nationaux, ils sont tous deux garantie de qualité et de plus grande naturalité, même si les détails techniques peuvent sembler un peu obscurs aux consommateurs non avertis. Et le plus important est de vous laisser guider par vos envies !

 

Pour en savoir plus:

2 Commentaires

  1. lunazen
    25 janvier 2010 at 17 05 38 01381 ·

    Je ne suis pas sûre que les « novices » s’y retrouvent. Concernant les détails, ils sont parfois troubles. A voir dès qu’ils seront en activité. Pour l’instant, je regarde l’INCI et choisis essentiellement des produits certifiés sauf s’ils viennent de petits producteurs dont je connais les méthodes de travail, je peux me passer de la certification, et si je le peux, je me renseigne sur la marque avant d’acheter. Il est vrai que pour moi, l’éthique est importante.

    • 27 janvier 2010 at 15 03 42 01421 ·

      Il est vrai que ce n’est pas simple d’expliquer les « méandres » de la certification. D’autant plus que toute la différence est dans les détails. L’objectif n’est pas d’orienter vers l’un ou l’autre des référentiels, mais de montrer que les choses bougent de ce côté-là, tout en notant que la transparence tant proclamée n’est pas encore réellement au rendez-vous.

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