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De zéro à l’infini…

Il aura fallu attendre septembre 2013 pour qu’un magazine sportif d’un nouveau genre retienne tout particulièrement notre attention. Ce magazine, ou plutôt ce mook, c’est ULTRA MAG, une expérience sportive VRAIMENT inédite pour laquelle nous avons eu un réel coup de coeur. Nous avons eu le grand privilège d’interviewer Philippe Billard, directeur de la publication. Une rencontre du 3ème type ….
 
Bonjour Philippe, ULTRA MAG se définit comme un mook qui se passionne pour le sport de ZÉRO à l’INFINI. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?
Déjà, nous voulons aider nos lecteurs à sortir de leur canapé ! Donc, notre lecteur/trice, c’est toute personne qui s’est assise un jour dans un canapé. La rédaction d’Ultra Mag est constituée de journalistes passionnés de sports de très grande endurance. Mais nous nous sommes aperçus, au fil de nos années de pratique respectives, que cette décision de continuer après 20, 30, 40 heures de course ou plus était exactement la même que celle qui incite à faire le premier pas. Qu’il s’agisse de se remettre au sport, d’entamer une rééducation post-traumatique, de vouloir changer de vie pour se sentir mieux dans sa tête…, la décision, la motivation, la bonne dose de respect de soi-même…, tout cela est difficile à maîtriser. Nous pensons qu’avec notre expérience des épreuves longues, nous pouvons apporter à tous, et apprendre d’absolument tout le monde, sportif ou pas. C’est une façon de sortir de notre ghetto, d’aider à abattre les croyances limitantes en montrant que le corps humain, et a fortiori le cerveau, ne connaît pas de limites. 
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Quel regard neuf apportez-vous dans la presse sportive ? 
Notre approche est résolument grand public : faire du sport, c’est bien, en faire trop, c’est encore mieux. Nous démontrons à travers nos articles, que « trop », c’est une invention du cerveau pour nous forcer à retourner dans le canapé. Donc, à travers des sports aussi variés que la course à pied, le trail, la natation, le cyclisme, la rando, l’apnée, et souvent aussi des sports tels que le base jump ou la slackline, nous essayons d’apporter des éléments de progression physiques et mentaux très concrets, mais aussi une ouverture. Concrètement, nous divisons le magazine en 5 univers, qui sont 5 vrais magazines dans le magazine : Underground, Equilibre, Globe-Trotter, Top-Chrono, Absolu. Cette décomposition amène naturellement l’esprit du lecteur à envisager l’impossible comme une option finalement tout à fait crédible et raisonnable.
 
Faire du sport en PLEINE CONSCIENCE, est-ce selon vous une forme intelligente du sport ?
En pleine conscience, oui, parce qu’il faut savoir profiter de chaque seconde, de chaque sensation. Il se passe énormément de choses quand on fait du sport, aussi bien dans la tête que dans le corps, et bien sûr autour de nous. Capter tout ça le plus intensément possible, c’est ça qui apporte la plénitude, ce ne sont pas les endorphines dont on parle si souvent. Donc mille fois oui pour la pleine conscience, en se laissant régulièrement aller à la plus parfaite inconscience. On dirait autrement : en lâchant prise.
 
Quelle est votre vision de l’UNDERGROUND dans le domaine sportif ?
Une sportive ou un sportif ne peut pas se nourrir que de sport. On perd de plus en plus la notion de ce qui nous enracine, et qui donc nous permet de nous élever toujours plus haut : notre culture et celle des autres, la philosophie, l’histoire, mais aussi la musique, le cinéma, l’actualité. L’univers que nous avons nommé « Underground » nourrit la réflexion des sportifs avec des sujets qui n’ont aucun rapport direct avec le sport. Il peut s’agir de sujets légers et insolites, ou d’autres plus creusés. Une personne âgée qui reste coincée tout un week-end dans un ascenseur et qui gère ça de main de maître, ça nous intéresse. Percer le mystère des premières expéditions antarctiques ou comprendre pourquoi les hommes prennent des risques apparemment inutiles, ça nous intéresse aussi. Et ça intéresse tous ceux qui se sont déjà assis sur un canapé.
 
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Vous abordez des thèmes liés à la santé et l’EQUILIBRE. Cette approche holistique du sport est-elle indispensable selon vous ?
Oui. Dans notre deuxième univers, nous cherchons à montrer que le sport, c’est la vie, et vice-versa. Nous sommes des êtres conçus pour le mouvement, conçus pour bouger, et même bouger le plus longtemps possible. Vous savez peut-être que la plupart certaines espèces de requins doivent constamment rester en mouvement s’ils ne veulent pas mourir d’asphyxie. Ils doivent créer un courant d’eau pour irriguer leurs branchies. L’être humain n’a malheureusement pas de sanction aussi définitive à la position canapé perpétuelle, dont la conséquence est la même. Donc il faut bouger, peu importe comment, simplement parce que nous sommes faits pour cela. Et ensuite appliquer quelques règles simples, universelles, et de bon sens : se respecter physiquement et mentalement (les mécanismes sont les mêmes), chercher un peu la douleur mais pas la destruction, essayer de faire le pas vers un mieux-être global, et finalement s’inscrire dans un tout dont nous dépendons et qui dépend de nous. Notre vision de la santé est donc basée sur la longévité, qui est une forme d’endurance extrême. Et notre longévité dépend de celle de notre environnement.
 
Quelle place tient la nature dans votre vision du sport ?
Centrale. Mais pas centrale au sens intégriste du terme. J’aime bien la posture humble qui constate simplement que la nature, la planète, nous survivra quoi que nous fassions. Nous pouvons la ruiner, nous serons les premiers perdants. Cette logique extrême aide à remettre les choses dans le bon sens : ce n’est pas la nature qui dépend de nous, c’est nous qui dépendons d’elle, et nous en faisons partie. Partant de là, regardons-la, inspirons-nous en, puisons la force qu’elle nous donne sans chercher à l’éreinter ou à la dominer.
 
Votre définition du GREEN GLOBE-TROTTER ?
Nous avons un terrain de jeu magnifique et quasi infini qui s’appelle la Terre, et sur laquelle il y a aussi la mer. Pour en profiter, il ne faut pas le détériorer. Le Green Globe-Trotter, ce serait quelqu’un qui cherche au maximum à se déplacer avec sa propre énergie musculaire, un fantôme qui ne laisse pas de trace de son passage, un habitant du monde qui ignore les frontières.
 
TOP CHRONO, pourriez-vous nous donner deux souvenirs sportifs qui ont marqué votre vie ?
 Non ! C’est pas assez ! Je vais en donner trois, d’accord ? D’abord, le premier Ultra-Trail du Mont-Blanc que j’ai terminé. C’est une course de 160 km qui fait le tour du massif du Mont-Blanc. C’est grâce à elle que j’ai pu me sentir à l’aise en milieu potentiellement « hostile ». Je mets beaucoup de guillemets, parce qu’on ne risque pas sa vie sur une telle course. Néanmoins, traverser de tels paysages avec le confort d’une organisation sécurisée, ça permet d’approcher la nature, et les extrêmes, avec une certaine décontraction. Ensuite, ma dernière expérience de 6 jours sur tapis. J’en étais à ma quatrième et j’aime l’alchimie qui se crée à chaque fois, cette impression d’apprendre, de m’approcher chaque fois un peu plus du geste pur, avec même le sentiment de devenir un peu plus pur moi-même. Enfin, un Paris-Brest à vélo improvisé, soit 630 km, avec deux amis, qu’on a essayé de faire d’une traite. Ça ne s’est pas passé comme on avait prévu, mais l’important, c’était là aussi de créer notre œuvre d’art, notre truc à nous. Le seul impératif pour ce genre de bêtise : garder le sourire en toute circonstance, même quand rien ne se passe comme prévu. Ces trois souvenirs montrent ma progression sportive idéale : les courses encadrées pour apprendre, la création personnelle pour comprendre, l’évasion pour profiter.
 
Comment définiriez-vous la notion d’ABSOLU dans le domaine sportif ?
Chercher l’impossible. Absolument. Chacun à son niveau doit chercher à se sortir de son confort. On sait très bien au fond de nous que l’inaction tue à petit feu. Une fois qu’on a compris cela, la porte est ouverte à tous les excès. Il faut savoir être excessif, c’est un art qui se perd.
 
Comment concilier DEPASSEMENT DE SOI et RESPECT DE SOI ?
Je n’aime pas l’expression « dépassement de soi ». Par définition, on ne se dépasse jamais, et on ne dépasse jamais ses limites. Je préfère les termes « repousser », « explorer », quand il s’agit d’aller chercher un peu plus loin que d’habitude. Dépasser ses limites, c’est se détruire. Repousser ses limites, c’est prendre conscience des bordures du cadre, rester en terrain connu, progresser méthodiquement, et en se respectant. La clé, c’est de toujours savoir rester en-deçà du seuil de la douleur, ne pas être toujours à fond mais « presque » à fond, savoir lever le pied, s’écouter, et régulièrement, savoir être excessif. L’excès, c’est très bon pour le respect de soi, mais aussi pour l’estime de soi, pour connaître sa propre capacité à réaliser ses rêves.
 
TÊTE BRÛLÉE ou LES PIEDS SUR TERRE ?
Ni l’un ni l’autre ! J’aime aller au bout des logiques qui se présentent à moi, parfois même jusqu’à l’absurde, en essayant un maximum de choses, mais je n’aime pas l’idée de risquer ma vie. L’ultra permet d’aller très loin dans les sensations et dans la découverte de soi, mais c’est 100% sans danger et même très bon pour la santé. Pour les pieds sur terre, j’essaie de les soulever le plus souvent possible ! Si je m’ancre dans la réalité, c’est surtout pour atteindre des rêves de plus en plus démesurés.
 
Votre devise favorite ?
J’en ai plein ! Mais j’aime bien me dire que « Tout ce qui arrive est ok ». C’est une véritable formule magique qui fonctionne toujours et qui évite de se lamenter sur les situations difficiles, en cherchant toujours comment en tirer parti.
 
Votre prochain défi ?
 Le Paris-Brest à vélo improvisé avec deux amis nous a donné des tas d’idées de choses pas très raisonnables, notamment une petite aventure de quelques jours qui mixerait du vélo, de la rame, et de la course à pied sur quelques centaines de kilomètres. Et puis bien sûr, le prochain 6 jours sur tapis, fin décembre 2014 ou début janvier 2015. Ce sera mon quatrième du genre et certainement pas le dernier.
 
Merci Philippe pour ce superbe interview. une folle envie de dévorer ULTRA MAG ? C’est par ici.. http://www.ultramag.fr/
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