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Zéro déchet

Vous avez probablement entendu parler de Béa Johnson, cette française d’exception qui vit aux Etats-Unis et qui a réalisé 40% d’économie en réduisant ses déchets à moins d’1 litre par an ! Elle a partagé son expérience dans son livre intitulé « Zéro Déchet » publié aux éditions « Les arènes ». Nous avons eu le privilège de l’interviewer afin qu’elle nous raconte comment sa fabuleuse expérience lui a permis de se concentrer sur l’essentiel : sa famille.  Une très jolie façon de démontrer que réduction des déchets peut rimer avec bien-être et bonheur…

9782290095140_ZeroDechet_couv.inddChère Béa, quelles ont été vos motivations pour vous lancer dans cette aventure « Zéro déchet » ?
En 2006, nous avons décidé de déménager d’une grande maison située en banlieue dortoir (on était obligé de se déplacer en voiture pour aller partout) pour vivre dans un centre-ville et avoir école, ciné, bibliothèque, restos, théâtre, épicier, etc. à proximité, c’est à dire à quelques minutes à pied ou à vélo de chez nous.

Avant de trouver la maison idéale, nous avons loué un petit appartement pendant un an. Nous avons emménagé avec le minimum d’affaires et stocké le reste dans un garde-meuble. Nous avons alors appris que vivre avec moins nous permettait de vivre plus : nous avions tout à coup plus de temps pour nous détendre en famille, pour nous balader, aller à la plage, faire des pique-niques, etc.

Par la suite, nous avons donc acheté une maison deux fois plus petite que la précédente et nous sommes désencombrés de 80% de nos biens matériels. Le temps que nous avons gagné grâce à cette simplicité volontaire nous a ensuite permis de nous informer sur les problèmes de l’environnement. Nous avons lu des ouvrages et regardé des documentaires sur la question. Ce que nous avons découvert nous a fortement attristé quant au futur que nous allions léguer à nos enfants (j’ai pleuré en regardant le documentaire « Home »). Cela nous a motivé pour changer notre façon de vivre.

Comme avez-vous réussi à fédérer votre famille et surtout vos enfants ?
Mon mari, Scott, n’a été convaincu par ce style de vie que lorsqu’il en a réalisé les économies d’argent ! 
Il craignait au départ que ce mode de vie ne coûte plus cher. Je l’ai donc encouragé à comparer les relevés de banque de notre ancien mode de vie avec ceux du mode de vie « Zéro Déchet » : c’est là qu’il s’est aperçu qu’on faisait 40% d’économies. Cela est dû au fait que :
1- Nous consommons beaucoup moins qu’avant (on n’accroît plus le nombre de biens matériels – on a juste ce qu’il nous faut et on s’y tient),
2- Nous avons remplacé ce qui est jetable par des produits réutilisables,
3- Nous achetons d’occasion lorsqu’on a besoin de remplacer quelque chose (tee-shirt trop petit par exemple),
4- Nous achetons notre nourriture en vrac. 

Savez-vous que pour chaque produit emballé que vous achetez, 15% du prix couvre le coût de l’emballage ? Cela signifie qu’en éliminant les emballages, on réalise d’emblée 15% d’économies. Ces dernières nous ont permises d’installer du solaire sur notre toit.
A titre indicatif, voici quelques-uns des produits qui font partie des dépenses récurrentes d’un foyer banal et que nous n’achetons plus, soit parce ce que nous n’en éprouvons plus le besoin, soit parce que nous les avons remplacés par des alternatives réutilisables : le papier essuie-tout, le papier d’alu, le papier sulfurisé, le film alimentaire, les éponges, les sacs poubelle, les sacs de congélation, les sacs à glaçons, les serviettes en papier, les assiettes, couverts et gobelets jetables, le fil dentaire, les rasoirs jetables, les pansements, les cure-dents, les mouchoirs en papier, la laque ou autre fixateur de chevelure, le vernis à ongles et le dissolvant, les produits d’hygiène féminine jetables (serviettes et tampons), les produits d’entretien divers (spray pour les vitres, la cuisine, la salle de bain, le sol, etc.), les lingettes désinfectantes, le papier cadeau, les magazines, les journaux, le shampoing, le savon pour les mains, le spray de repassage, les agrafes, le scotch, etc … Et ces produits (dont les alternatives vous sont proposées dans mon livre) ne nous manquent même pas. Bien au contraire ! Nous préférons l’utilisation et l’esthétique des solutions que nous avons adoptées et apprécions les économies de temps et d’argent qu’elles représentent. Elles nous permettent de nous concentrer sur ce qui est important : notre famille, nos amis et une vie riche en expériences.

Pour ce qui est de mes enfants, cela faisait déjà des mois que je travaillais sur la réduction de nos déchets et que nous avions un garde manger sans emballage, lorsque j’ai appris que mes enfants ne s’en étaient même pas aperçus ! Les enfants ont des besoins simples. Tant que ces besoins sont assouvis, ils sont heureux : tant qu’un bon petit déjeuner leur est présenté le matin, qu’un goûter les attend à la maison en rentrant de l’école, ils sont satisfaits ! Mes enfants ont aujourd’hui vécu plus longtemps sans déchet qu’avec… « Zéro déchet » fait complètement partie de notre quotidien. Pour eux, c’est donc la norme, et ils ne se considèrent pas comme « ambassadeurs » de ce mode de vie. Ils sont par contre conscients que le « Zéro Déchet » a nettement amélioré notre qualité vie.

Notre vie est maintenant basée sur les expériences, non pas les biens matériels. Elle n’est plus axée sur le verbe « avoir » mais l’est aujourd’hui sur le verbe « être ». Ce mode de vie nous permet de jouer davantage et de passer plus de temps ensemble.

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Grace à notre minimalisme, nous pouvons facilement louer notre maison, ce qui finance des vacances et week-ends en famille que nous n’aurions jamais pu avoir sans le « Zéro Déchet ». Nous en profitons pour faire beaucoup de camping et de trekking ensemble, et parfois pour voyager à l’étranger. Lors de vacances de Noël, nous avons passé deux semaines au Costa Rica : Max et Léo ont pu découvrir la jungle et des animaux qu’ils n’avaient jamais vus auparavant. Au lieu de jouets, les grands-parents offrent à nos enfants des cadeaux d’expériences (comme le parachute ascensionnel, des leçons de surf, de la tyrolienne, du karting). Pour le Costa Rica, ils nous ont offert une sortie plongée avec tuba, et une visite nocturne de la jungle. De telles expériences rapprochent notre famille et créent des souvenirs inoubliables.

Je ne peux bien sûr ni prédire le futur, ni savoir si mes fils eux-mêmes reprendront le flambeau quand ils seront adultes. Je m’attends à ce qu’ils se rebellent pendant un temps, comme tout jeune le fait (quel que soit son apprentissage). Mais cela me rassure de savoir qu’ils ont aujourd’hui vécu plus longtemps sans déchet qu’avec ; cela me rassure de leur donner les outils nécessaires pour continuer ce mode de vie indépendamment.

Combien de temps a été nécessaire pour passer d’une hyperconsommation à une consommation « zéro déchet ou presque » ?
 Notre démarche a été très graduelle. Sans avoir de but précis au départ, notre transformation a pris 4 ans. Il est évident, que le « Zéro Déchet » prend du temps au départ pour s’y adapter : pour perdre de mauvaises habitudes et pour s’organiser, mais le but de mon livre est d’aider les autres à parvenir à réduire leurs déchets plus rapidement que pour nous. Une fois en place, ce mode de vie économise énormément de temps, en simplifiant l’entretien de la maison,  la gestion des déchets (trier, sortir poubelle et recyclables), et le ravitaillement.

Bea Portrait[2]

Vous avez basé votre démarche sur la règle des 4R (refuser, réduire, réutiliser, recycler). Pourriez-vous nous expliquer cette démarche ?
Pour atteindre le « Zéro Déchet », nous ne nous basons pas sur 4, mais 5 règles. Et nous les suivons dans l’ordre :
Refuser ce dont on n’a pas besoin,
Réduire ce dont on a besoin (meubles, habits…),
Réutiliser en remplaçant tout produit jetable par un équivalent réutilisable  et en achetant d’occasion,
Recycler ce qu’on ne peut pas refuser, réduire ou réutiliser (il reste donc très peu de matériaux à recycler)
Composter le reste (détritus organiques : épluchures de fruits et légumes, mais aussi peluches de sèche-linge, ongles et cheveux coupes, balayures, etc..). 

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Que contient votre bocal de déchets annuels ?
Le contenu de notre bocal annuel de déchets représente les matériaux que nous n’avons pu ni refuser, réduire, réutiliser, recycler ou composter. Celui de l’année 2014 contient :
Du papier photo, du matériel de cyclisme usé, des accessoires de mode, des cartes plastifiées, des étiquettes, des déchets du jardin, des déchets liés à des réparations, des produits d’hygiène, des déchets de voyage, des déchets des enfants…

Si vous deviez retenir 10 actions faciles à mettre en place au quotidien pour réduire considérablement ses déchets, quelles seraient-elles ?

Refuser
– Dites non aux objets promotionnels dans les conférences, foires, et fêtes d’anniversaire. A chaque fois que vous en acceptez un, vous créer une demande de fabrication d’un autre produit en remplacement.  La vraie question à se poser est : avez-vous vraiment besoin d’un stylo gratuit ?

- Inscrivez “Stop Pub” sur votre boîte aux lettres pour arrêter les courriers publicitaires.

Réduire
Désencombrez votre domicile et faites don de ce dont vous n’avez pas vraiment besoin. Vous remettrez ainsi des ressources précieuses sur le marché et encouragerez le marché de l’occasion.

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Le moins vous achetez, le moins vous aurez à jeter.

Réutiliser
– Remplacez tout produit jetable par une alternative réutilisable (le papier essuie-tout par des chiffons, les mouchoirs en papier par des équivalents en tissus, les bouteilles d’eau par une gourde, etc …).

- Eliminez les emballages alimentaires : remplissez vos sacs en tissus de vrac et faites remplir vos bocaux par des produits à la coupe (charcuterie, poisson, fromage, viande).

Recycler
Renseignez-vous pour connaître ce qui est recyclable dans votre commune (et ce qui ne l’est pas) et basez tous vos achats sur ces matériaux. Mais avant de recycler, pensez d’abord à refuser, réduire et réutiliser !

Achetez en vrac ou d’occasion en priorité, mais si vous devez acheter neuf, choisissez le verre, le métal, le carton. Evitez les matières plastiques, car le peu qui se recycle est transformé en produits non recyclables et donc est voué à la décharge.

Composter
Adoptez un système de compost qui corresponde à vos besoins.

Utilisez votre poubelle de cuisine actuelle pour récupérer vos déchets compostables (choisissez un bac plus petit pour vos déchets non recyclables et non compostables). Si celui-ci est grand, il vous incitera à composter plus.

Bea et Frigo

Quelle est la chose dont vous êtes le plus fière suite à la mise en place de votre démarche ?
Si j’avais entendu parlé d’une famille « Zéro Déchet », il y a 8 ans, j’aurais pensé : « ce sont des hippies et je suis sûre qu’ils passent leurs journées à se préoccuper de leurs déchets ». D’ailleurs, quand j’ai exposé notre mode de vie au grand public américain (par le biais de mon blog, puis de la presse), nous avons été beaucoup critiqués. Le terme du « Zéro déchet » n’était à ce moment-là, utilisé que pour décrire des pratiques industrielles, non pas domestiques. Les gens ne comprenaient pas ce que ce mode de vie représentait. On nous a imaginé hippies, poilus, décoiffés. Au fil du temps, grâce à la médiatisation de notre mode de vie, ces a priori ont changé, le terme de Zéro déchet a perdu ses stigmates, et les critiques se sont tues : les gens se sont aperçus que nous n’étions pas des hippies, mais que nous vivions une vie normale, simple et moderne. Depuis, des milliers de personnes ont adopté ce mode de vie ! Je suis fière d’avoir pu changer leur opinion, d’avoir démarré un mouvement, et d’en être la porte-parole mondiale !

Votre ouvrage a-t-il eu un réel impact le quotidien des gens et sur les circuits de distribution ?
Des milliers de personnes ont adopté ce mode de vie à travers le monde, certains ont démarré des blogs sur le sujet, et d’autres ont ouverts des magasins de vrac. Ces derniers sont d’ailleurs en pleine expansion en France ! Mon livre a incité des dizaines d’entrepreneurs à se lancer : parmi eux, il y a Jean Bouteille qui a réhabilité la consigne sur le marché ; Anne Fournier, qui a créé une épicerie ambulante sans emballage dans le Sud Ouest, et Alice Bigorgne qui a ouvert un magasin de vrac, Day by Day à Lille, fin mars (je suis si fière d’avoir pu l’inaugurer lors de ma dernière tournée en France !). Vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point toutes ces initiatives me font chaud au cœur !

Quels sont vos projets à venir ?
Mes projets à venir sont nombreux. Il est prévu que j’accueille plusieurs équipes de tournage (nous en sommes aujourd’hui à la 38ème !), puis un groupe de parlementaires français. On m’a aussi invitée à donner plusieurs conférences, dont deux en Guadeloupe, à faire une présentation chez Google et un TEDex. J’ai aussi une tournée de trois semaines en Europe au mois de novembre/décembre prochain à l’occasion de la semaine européenne de réduction des déchets et de la COP 21… et au milieu de laquelle il se peut que je tourne ma propre émission de télé ! 

Mille mercis à Béa Jonhson pour sa disponibilité. Elle nous a confirmé que, non contente d’être une très jolie ambassadrice du mouvement « Zéro déchet », elle est également une très belle personne … 

Zéro déchet aux éditions Les arènes ou j’ai lu (Edition de poche) – 7,60 €

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